Brésil – Il y a 120 ans naissait l’un des principaux héros populaires du Brésil moderne, Carlos Prestes. Militaire soucieux de défendre les valeurs de liberté et d’égalité pour son peuple, Carlos Prestes est l’un des leaders de la célèbre colonne victorieuse, également appelé de son nom Colonne Prestes, cette marche rebelle qui va parcourir au mitan des années 1930 tout le Brésil, sur plus de 25 000 kilomètres et conduire au renversement du régime oligarchique. L’une des plus grandes épopées de ce 20e siècle.
Suite à cette expérience, Prestes poursuit sa lutte comme dirigeant du Parti Communiste. Un engagement communiste qu’il n’abandonnera jamais malgré les pires adversités, y compris lorsqu’à la fin de sa vie il prend ses responsabilités et quitte le PCB dont il dénonce alors publiquement la mutation réformiste. Fort de relations avec plus de 120 partis communistes dans le monde, les militants du PRCF ont des liens solides et réguliers avec les communistes brésiliens. En ces jours anniversaires, www.initiative-communiste.fr publie l’échange entre Georges Gastaud et Anita Prestes, fille du grand leader communiste brésilien et militante communiste.
Prezado camarada Georges Gastaud. Cher camarade Georges Gastaud, Merci pour l’occasion qui m’est ainsi donnée d’évoquer la mémoire de Carlos Prestes. Avec mes meilleurs vœux et mes salutations communistes, Anita, L. Prestes.
Georges Gastaud : Quel souvenir gardes-tu de ton père sur le plan humain ?
Anita Prestes: Mon père était un grand humaniste et, pour cette raison même, il a consacré sa vie à la lutte pour la transformation du monde, qu’il considérait possible seulement à travers la réalisation de la révolution socialiste et la construction d’une société où règnent la justice sociale et la démocratie pour tous les hommes et femmes
Georges Gastaud : Pour nos lecteurs français, peux-tu résumer sa trajectoire politique et militaire au service des travailleurs brésiliens ?
Anita Prestes: La pertinence de la figure de Luiz Carlos Prestes dans l’histoire du Brésil au XXe siècle est devenue indiscutable. Sa participation à la vie politique nationale s’étend sur une période de 70 ans, coïncidant avec le «bref vingtième siècle», défini et analysé par E. Hobsbawm. Calomnié ou réduit au silence par les propriétaires du pouvoir pendant sa vie, après sa mort, Prestes a vu son histoire falsifié par ceux la mème qui prétendaient légitimer les intérêts politiques qu il a toujours combattus. . Plusieurs exemples peuvent être cités, qui contribuent tous à faire du sauvetage de sa trajectoire politique et en particulier de son héritage révolutionnaire des enjeux importants et très pertinents.
Dans le parcours de Prestes, l’enfance et la jeunesse constituent des périodes importantes. L influence décisive de sa mère Leocadia Prestes, qui se révèle dans la formation de son caractère, l’incitation à cultiver un intérêt constant pour l’évolution politique au Brésil et dans le monde, par exemple une préoccupation constante pour les problèmes sociaux et la solidarité totale avec l’engagement de sont fils dans la lutte révolutionnaire est un aspect fondamental pour expliquer les caractéristiques les plus frappantes de Prestes au cours de sa vie d’adulte.
Une deuxième phase dans la vie de Luiz Carlos Prestes est constituée par sa participation aux mouvement des Lieutenants et, en particulier par son rôle d’avant garde à la tête de la Colonne Invincible qui a pris son nom (colonne prestes, lire ci après ndlr). A ce stade, ou il devient un patriote indigné par les abus des puissants, Prestes devient un leader révolutionnaire qui a combattu les armes à la main contre le pouvoir oligarchique établi lors de la Première République. Au cours de la marche de la Colonne, il devient convaincu que la proposition libérale des « lieutenants » n’a pas été la solution aux graves problèmes sociaux du peuple brésilien – en particulier pour les travailleurs agricoles, avec qui ils entrent en contact tout au long de leur 25 000 km du parcours de la colonne à l’intérieur du pays.
Se référant à l’expérience d’Euclides da Cunha se plongeant à l’intérieur du Brésil, le sociologue Francisco Weffort a souligné « l’expérience dramatique de l’intellectuel républicain venu d’une grande ville qui découvre une nouvelle vision du pays à regarder la misère et la grandeur des « compatriotes grossiers indomptables. ” Un quart de siècle plus tard, Prestes découvre le Brésil en traversant l’intérieur du pays, la révolte avec la majorité des Brésiliens et le constat du “crime” du gouvernement du pays selon les termes de Euclides da Cunha est commune a Prestes et Antonio de Siqueira Campos [1], son camarade et ami, pour qui il a une admiration profonde.
Les années d’exil en Argentine et en Uruguay donnent à Prestes l’occasion d’étudier le marxisme et d’approcher le mouvement communiste en Amérique latine, ainsi que les représentants de l’Internationale communiste (IC) à travers son bureau sud-américain.
L’année 1930 a une grande signification dans la vie de Prestes : c’est le moment où, face à la pression d’assumer la direction du mouvement que l’on pourrait appeler la “révolution des 30”, il rompt avec ses anciens camarades, les “lieutenants”, et se prononce publiquement en faveur du programme du Parti communiste . C’est le moment où Prestes repousse la perspective de devenir un leader au service des intérêts des élites oligarchiques et / ou bourgeoises, optant pour l’engagement avec “ceux d’en bas”, les exploités et les opprimés, les travailleurs. Prestes adopte alors le marxisme comme la théorie directrice de sa vie et du communisme comme un objectif auquel il se consacrerait jusqu’à la fin de ses jours.
À partir de 1934, lorsque Prestes est finalement accepté dans les rangs du PCB, sa vie s’identifie de plus en plus à l’histoire de ce parti. Dans sa biographie politique, la relation établie entre le Parti communiste et une direction nationale, de grand prestige et charismatique, a une importance significative. Il s’agit d’une relation entre parti fondé en 1922 qui a eu une action importante dans plusieurs moments de l’histoire contemporaine du pays – les travailleurs Paysans du Bloc (BOC) en 1928 à 1930, le mouvement anti-fasciste et l’Alliance de libération nationale (ANL) en 1934-1935, la politique de “l’union nationale” en 1938-1947, etc. – et le Chevalier de l’Espérance, accepté dans le PCB avec une grande réticence des dirigeants. Ceux-ci, craignant son immense prestige populaire, l’accueilleront en raison de la détermination de l’Internationale Communiste. Plus tard il sera reconnu que grâce au prestige et au charisme de son leadership de sa direction, Prestes a contribué de manière décisive à l’avancement de ANL et plus tard aux succès de la politique de « l’unité nationale », ainsi que pour assurer l’unité du parti dans des moments de crise, comme ce fut le cas en 1958 et après le coup d’État civil-militaire de 1964.
Nous sommes confrontés à un phénomène singulier: un dirigeant charismatique et populaire est incorporé dans le Parti communiste, devenant son principal dirigeant, ainsi que la principale référence du communisme au Brésil. Une telle imbrication des trajectoires du PCB et de Luiz Carlos Prestes confirme à la fois qui a été nommé par les classiques du marxisme comme ce qui est révélé dans la pratique des processus révolutionnaires sur la scène mondiale: le rôle important de la personnalité dans l’histoire. Il n’y a aucun processus révolutionnaire connu sans chefs éminents, comme Lénine dans la révolution russe, Fidel Castro dans la Révolution cubaine et, plus récemment, Hugo Chavez dans les luttes du peuple vénézuélien. Ceux qui font l histoire sont les masses populaires mais ce “faire” n arrive pas sans l intervention des dirigeants, qui expriment leurs préoccupations et agissent dans les circonstances historiques concrètes, permettant de conduire à des victoires, mais aussi des défaites la tournure des événements n’étant jamais tracée d’avance. Tout dépend de la corrélation des forces à chaque instant.
La direction de Luiz Carlos Prestes est identifiée à la lutte pour le socialisme et le communisme au Brésil, ce qui s”explique par la cohérence révolutionnaire dont il a fait montre durant soixante ans depuis son Manifeste de mai 1930 [2] jusqu’à sa mort en 1990. L’engagement de Prestes était toujours en faveur du socialisme révolutionnaire. Sa vie politique a été marquée par la répudiation constante des tendances réformistes, à savoir la possibilité qu il considérait illusoire d atteindre le socialisme par des réformes. Considéré par les libéraux comme un politique inflexible et maladroit, il a provoqué la haine des classes dominantes et de leurs intellectuels organiques (comme A. Gramsci ) puisqu’il n a jamais abdiqué des idéaux auxquels il a dédié sa vie. Sa rupture en 1930 avec les détenteurs du pouvoir était un geste inacceptable pour les classes dirigeantes au Brésil, qui ne lui pardonneront jamais son choix pour les travailleurs et, en général, pour les exploités. Voilà pourquoi ils ont eu recours de façon systématique à la calomnie contre le leader communiste, quand ce n’était pas au silence ou à la falsification de sa carrière comme un moyen d’effacer l’héritage du Chevalier de l’espérance de la mémoire des nouvelles générations de Brésiliens.
On peut dire que Luiz Carlos Prestes était le principal intellectuel organique révolutionnaire du XXe siècle au Brésil, si l’on reprend le terme d’intellectuel organique proposé par le philosophe et dirigeant communiste italien Antonio Gramsci, nous considérons comme tels intellectuels les militants qui luttent pour des transformations radicales de la société exprimant les intérêts des secteurs sociaux révolutionnaires ou potentiellement révolutionnaires. Cette qualification est justifiée, puisque Luiz Carlos Prestes a joué un rôle décisif à l’avant garde de la colonne invincible, qui a parcouru le Brésil durant de deux ans, préparant les conditions pour le renversement de la République oligarchique en 1930. Prestes était le chef le plus important du mouvement antifasciste au Brésil dans cette décennie et, à partir des années 1940, est devenu le leader communiste le plus important du pays. Plus tard, convaincu que les objectifs révolutionnaires du PCB avaient été abandonnés et remplacés par le réformisme, Prestes n’a pas hésité à rompre avec la direction du parti, rendant publique sa lettre aux communistes en Mars 1980 et a consacré les dix dernières années de sa vie à la lutte pour la formation d’un parti révolutionnaire dans notre pays.
Tout comme Fidel Castro et les révolutionnaires cubains comptaient sur l’héritage révolutionnaire de José Marti, la révolution brésilienne ne peut pas avancer sans s’appuyer l’héritage de Luiz Carlos Prestes.
Georges Gastaud : À ton avis, comment cet héritage révolutionnaire peut-il fructifier aujourd’hui ?
Anita Prestes: Je pense qu’aujourd’hui, la meilleure façon de préserver l’héritage révolutionnaire de Prestes est de suivre sa détermination insistante à ce que les forces communistes et les forces de gauche se consacrent principalement à l’organisation populaire autour de leurs revendications les plus profondes, contribuant à la formation de nouveaux leaders révolutionnaires et la conscientisation de larges secteurs de notre peuple.
traduction depuis le portugais www.initiative-communiste.fr – commission internationale du PRCF
[1] Le Lieutenant Antônio de Siqueira Campos, héros du “18 du Fort” et commandant du 3ème Détachement de la Colonne Prestes.
[2] Document dans lequel Prestes, sans se déclarer communiste, a adopté le programme d’une «révolution agraire et anti-impérialiste» proposée par le PCB.
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